Interview de Lionel Canesi - Président du CSOEC
Articles - 28 avril 2021 écrit par Commentaire
Commentaire
Entretien avec Lionel Canesi - Président du CSOEC : « Nous avons retrouvé une écoute du gouvernement et nous sommes dorénavant consultés en amont des textes. »
LPC : Cinq mois après votre élection, quel premier bilan tirez-vous de ce début de mandature ?
Lionel Canesi : J’ai lancé la mandature en souhaitant replacer l’expert-comptable au cœur de l’économie. C’est une promesse de campagne, mais c'est surtout une conviction profonde sur notre rôle et nos missions. Les 50 propositions concrètes issues de l’enquête auprès de la profession que nous avons publiée, nous ont fait gagner en visibilité et en écoute. Elles m’ont permis d’engager des discussions avec l’ensemble de l'environnement économique : U2P, CPME, Medef, Chambres des métiers, CCI... Avec un mot d'ordre : l’unité pour sortir de cette crise sans précédent. Aujourd'hui, les experts-comptables sont le point de contact privilégié des 3 millions de TPE/PME de ce pays.
Nous avons retrouvé une écoute du gouvernement et nous sommes dorénavant consultés en amont des textes. Le meilleur exemple ? La mise à jour du Fonds de solidarité avec la prise en compte des coûts fixes. C’était l’une de nos 50 propositions et nous l’avons coécrite avec Bercy ! Nous travaillons aussi avec Bercy sur l’amélioration du décret FSE pour qu’il soit étendu aux repreneurs d’entreprise en 2020 (une autre de nos propositions), sur la gestion des dettes Covid et sur le décret « Sur-Stocks ». Au début de la mandature, il a fallu que nous prouvions notre utilité, car au fil des dernières années notre rôle s’était un peu étiolé et maintenant on nous appelle toutes les semaines !
LPC : Quels sont les autres éléments qui ont rendu possible cette écoute des pouvoirs publics et de l’environnement économique ?
Lionel Canesi : D’abord, je n’ai pas eu besoin d'organiser la compétence en interne au sein du CSO, il a suffi de la mettre en valeur ! L’institution dispose d’équipes très compétentes et motivées qui ont envie de bouger les lignes. Ensuite, nous avons boosté « Image PME », qui est un outil extraordinaire pour faire l'état des lieux pendant la crise. Enfin, nous avons affirmé notre crédibilité pour parler de la réalité des TPE auprès des pouvoirs publics. Les experts-comptables sont les économistes du quotidien. Allier les compétences des experts-comptables et celles des économistes de Bercy est la clé pour créer des dispositifs qui touchent leur cible et sont réellement efficaces !
LPC : Quel est l’orientation du CSOEC par rapport à la gestion des « dettes Covid » ?
Lionel Canesi : Si nous souhaitons vraiment une relance et pas de dépôt de bilan massif, il va falloir étaler les dettes pour permettre aux entreprises de s'en sortir. Nous souhaitons isoler, dans les comptes, les « dettes Covid », pour permettre leur étalement jusqu’à 10 ans et envisageons des abandons de dettes au cas par cas. Début avril, Bruno Le Maire [le Ministre de l'Économie et des Finances] a évoqué publiquement ces annulations partielles de dettes « au cas par cas » pour les entreprises. Aujourd’hui, nous travaillons conjointement avec Bercy sur le concret. La problématique est la suivante : pour qui abandonne-t-on ces dettes ? Je pense qu’il y a trois situations à distinguer :
• Les entreprises qui devaient mourir : Il faut les identifier et les laisser mourir,
• Les entreprises viables, mais dont l’étalement des dettes sur 3 ou 4 ans ne suffirait pas. Cela représente un grand nombre d’entreprises ! Il ne faut pas oublier qu’il n’y pas que le PGE, il y a les cotisations sociales, les dettes fournisseurs... Aujourd’hui, on est le pays avec le taux d'endettement des entreprises le plus élevé d'Europe ! Si l’étalement est prévu sur des durées trop courtes, nous n’y arriveront pas. Les entreprises n’investiront pas, ce qui empêchera la relance. Actuellement, je propose dans mes discussions avec les ministres et les acteurs économiques un prêt sur 10 ans avec 5 ans de garantie de l'État.
• Les entreprises qui sont entre ces deux réalités : elles ne sont pas mourantes mais 10 ans ne suffiront pas ! Pour celles-ci, l’idée est de créer une commission avec l'Urssaf, les impôts, les représentants du ministère de l'Économie et des Finances, les experts-comptables, les banques et des représentants des entreprises. Cette commission étudiera au cas par cas les dossiers et décidera des mesures à prendre. Je crois que les experts-comptables ont un rôle essentiel à jouer pour sauver les entreprises viables.
LPC : Yannick Ollivier, Président de la CNCC, a récemment présenté un nouveau système d’attestations faisant des Commissaires aux Comptes des « tueurs d’incertitude ». Quel est votre regard face à ces annonces ? Comment percevez-vous le rôle des experts-comptables en matière de prévention face à l’augmentation potentielle des faillites ?
Lionel Canesi : Concernant le projet des attestations, je pense que les entreprises faisant appel à un expert-comptable n’ont pas besoin d'une intervention extérieure. C'est de l'utopie de penser que les clients qui ont un expert-comptable, vont demander à quelqu'un d'autre une attestation et payer ce supplément. Comme toujours, l'expert-comptable fera les prévisionnels, analysera et accompagnera son client. Ensuite, nous avons un rôle d’accompagnement et de conseil à jouer auprès des entrepreneurs qui ont besoin d'aller en procédure collective. Sur ce sujet, nous avons déjà commencé des formations d'accompagnement à la prévention des difficultés dans certains conseils régionaux. Avec Sonia Arrouas, Présidente de la Conférence générale des juges consulaires de France (CGJCF), nous allons mettre en place un grand plan de formation Experts-comptables-Juge pour que nos deux mondes se parlent et se connaissent mieux. Sur les faillites, je suis persuadé qu’il ne va pas y en avoir tant que ça. Je pense qu'il manque une étincelle pour mettre le feu à la reprise économique ! Nous avons la campagne de vaccination, le plan de relance… il manque le choc de consommation !
LPC : Quel est l’état d’avancement des questions relatives au numérique pour notre profession ?
Lionel Canesi : Parmi les sujets capitaux pour la profession, il y a la facture électronique prévue pour le 1er janvier 2023. C'est une révolution qui va entraîner une automatisation des échanges et de la comptabilité. Nous allons lancer un grand plan de formation des cabinets en 2022 pour qu'ils soient prêts à la mise en place de la facture électronique. La TVA automatique est aussi en préparation : je pense que l’on se dirige, à terme, vers l'unification du régime de TVA. Derrière cela, il y a la liasse fiscale qui disparaîtra au profit du FEC. Ce sont les tendances pour les 10 ans à venir. Ma responsabilité est d’y préparer la profession.
Nous travaillons activement à la création du fonds d’investissement de la profession pour que les experts-comptables prennent des participations chez des éditeurs de logiciels. Nous étudions actuellement le modèle de ce futur fonds d’investissement et des annonces seront faîtes prochainement !
LPC : Le Congrès de l'ordre des experts-comptables sera-t-il organisé en présentiel ?
Lionel Canesi : Pour le moment, nous maintenons le choix du présentiel et nous avons pris la décision de garder l'exposition complète. Même, s’il est probable qu’une jauge stricte soit appliquée pour respecter les contraintes sanitaires, nous souhaitons maintenir si possible le Congrès en présentiel car c’est toujours un grand moment d’unité de notre profession.
LPC : Quelle est votre position concernant les reports de délais pour les déclarations fiscales 2020 ?
Lionel Canesi : J’étais favorable à une tolérance de l’administration. L’idée est de déposer tout ce qui est possible d’ici le 19 mai. Pour les éléments déposés en retard, il n’y aura ni relance ni pénalité. L'an dernier, nous avions des reports que nous devions justifier. Avec la tolérance, il n’y a pas besoin de justification. Cette tolérance qui vient de nous être accordée jusqu’au 30 juin 2021 va servir à la fois ceux qui sont dans les délais et ceux qui ont besoin de reporter.
LPC : La profession souffre de problèmes d’attractivité. Quel message souhaitez-vous faire passer aux cabinets sur le sujet ?
Lionel Canesi : Effectivement, nous avons des problèmes de recrutement massif. Nous sommes partenaires du dispositif gouvernemental « 1 jeune 1 solution » et nous avançons aussi sur notre école de la profession. Si nous sommes capables de prendre le virage du numérique, nous avons un métier qui va être très attractif. Aujourd’hui, les jeunes ont besoin de sens et d’utilité et la période actuelle a su montrer notre utilité !
LPC : Comment envisagez-vous les 6 prochains mois ?
Lionel Canesi : Il faut que l’on continue à être au cœur des débats pour la relance économique. Sur ce sujet, nous devons nous affirmer comme la profession détentrice des données économiques. Les élections régionales arrivent et nous sommes à un an des présidentielles… il faut que nous participions au débat !
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Ecrit par Stéphane Raynaud - 28 avril 2021