Le prix de la parité 2018
Articles - 24 octobre 2018 écrit par Commentaire
Commentaire
En partenariat avec l’Association Femmes experts-comptables, La Profession Comptable a mené une enquête début 2018 sur la place des femmes à la direction des cabinets.
Françoise Savés, Présidente de l'Association Femmes experts-comptables a attribué le prix de la Parité 2018.
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Quels enseignements du classement de La Profession Comptable 2018 ?
L’analyse des indicateurs sur la présence des femmes dans les fonctions d’encadrement des cabinets est une source d’information nouvelle qui permet d’illustrer les efforts à accomplir pour faire progresser la parité dans les activités du chiffre.
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Une information utile mais peu diffusée
Premier enseignement majeur du classement LPC 2018 : les cabinets ne peuvent ou ne souhaitent pas toujours communiquer sur la présence des femmes au sein de leur organisation ! En effet, seuls 56 % des cabinets ont indiqué le nombre d’experts-comptables femmes au sein de leurs effectifs et seuls 44 % ont mentionné le nombre d’experts-comptables femmes au sein de leurs associés !
à l’heure où les Observatoires de la parité se développent et ce, y compris au sein des instances professionnelles, ce résultat conduit à s’interroger : est-ce une réelle volonté des cabinets de ne pas indiquer ces informations ou est-ce tout simplement un manque de sensibilisation à l’importance de suivre ces éléments et de les communiquer régulièrement… Gageons que le prochain classement 2019 permettra de lever les doutes à ce sujet.
Quoiqu’il en soit, il nous paraît évident que le sujet de la présence et du renforcement des femmes dans les fonctions de direction des cabinets est un vecteur de communication essentiel, à l’heure où tous les cabinets se doivent de relever le défi de l’attractivité !
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Femmes inscrites experts-comptables : des disparités importantes (cf. notre article sur le classement des femmes experts-comptables)
Seconde information majeure de l’étude, la présence des femmes experts-comptables diplômées connaît des disparités importantes selon les cabinets. Le nombre global d’experts-comptables (hommes et femmes) confondus, recensé par le classement, s’élève à 2 918 personnes. Ce chiffre comprend 935 femmes experts-comptables, soit 32 %. Rappelons à ce sujet que le dernier état des lieux de la parité, publié par l’OEC et l’Association Femmes experts-comptables, fait état de 27 % de femmes parmi les inscrits à l’OEC.
Ces chiffres interpellent nécessairement, lorsqu’on les met en perspective avec la forte présence des femmes dans les cursus d’études de l’expertise comptable. Rappelons que les jeunes diplômées représentaient 42 % du total des diplômés de la session du DEC de mai 2018. Les femmes, majoritaires en début de cursus et dans les cabinets durant les premières années, ont tendance à « s’évaporer » au fur et à mesure du temps et apparaissent minoritaires aux postes de commande dans les cabinets structurés.
Les chiffres varient considérablement selon les structures et les cabinets. Ainsi, ils sont 27 cabinets sur 142 à atteindre une parité totale avec plus de 50 % de femmes experts-comptables au sein de leurs effectifs. Enseignement notable, les structures associatives CERFRANCE se montrent les plus actives pour favoriser la présence des femmes au sein de leurs effectifs : les deux premières places de ce « classement » sont occupées par CERFRANCE Gironde et CERFRANCE Vendée avec une présence respective de 87 % et 80 % de femmes experts-comptables dans l’effectif total des experts-comptables. Plus remarquable encore, 6 CERFRANCE sont présents parmi les 10 premiers de ce classement. S’agit-il là d’une volonté politique voire stratégique de favoriser les femmes, ou plus simplement d’une meilleure adéquation entre les conditions de travail dans ces structures et les obligations diverses que rencontre la population féminine ?
Il y a là matière à « creuser » et peut être même à « copier » ou « innover » pour les cabinets libéraux et les sociétés d’expertise comptable. Notons que 45 structures complémentaires d’exercice professionnel se situent dans la fourchette de 30 à 50 % de femmes experts-comptables dans leur effectif total d’experts-comptables et sont donc au-delà du ratio des femmes inscrites à l’OEC. Enfin 47 structures sont au-delà du ratio de 15 %. A l’heure où le cabinet doit se « réinventer », où les compétences techniques seront bousculées par l’importance de « soft-skills », compétence d’écoute, d’empathie, d’ouverture aux autres, de relationnel…, il est surement important de diversifier plus encore les profils au sein des cabinets et de faire une place plus importante aux femmes dans les fonctions de direction.
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Femmes associées : des efforts à faire ! (cf. notre article sur le classement des femmes associées)
Troisième enseignement de ce classement : il existe encore d’importants efforts à accomplir pour promouvoir la présence des femmes au sein des collèges d’associés des cabinets structurés. En effet sur les 113 cabinets ayant répondu, seulement 13 atteignent un ratio de 50 % et plus d’associées femmes au sein de leur collège d’associés. C’est donc bien là, la confirmation de « l’évaporation » ou de la « disparition » régulière et progressive des femmes au sein du cursus. Sur un total de 2 565 associés tous genres confondus, les femmes ne représentent plus que 23 %.
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Le prix de la Parité 2018 de l’Association Femmes experts-comptables
Le prix de la parité 2018 est attribué au cabinet Expertis CFE dirigé par Valérie Creusot Rivière. à la seconde place, apparaît le cabinet Denjean & Associés dirigé par Thierry Denjean. La troisième place est occupée par le cabinet RBA dirigé par Agathe Lefevre Chapron. Ces cabinets, en plus de faire une place prépondérante aux femmes dans leurs collèges d’associés sont également remarquables de dynamisme en matière de communication et d’exercice professionnel ! Il y a là également certains enseignements à méditer !
Interview de Valérie Creusot Rivière qui remporte le 1er prix de la parité 2018
La Profession Comptable : Pouvez-vous nos présenter votre cabinet ?
Valérie Creusot Rivière : Je représente un cabinet de 200 personnes, multi-sites, établi dans le Grand-Est. Lorsque j’ai intégré le cabinet, en décembre 1993, ce dernier était composé d’une trentaine de salariés. En 2000, nous avons fusionné avec un cabinet de taille équivalente et de ce fait cela a donné naissance à un cabinet d’environ 100 collaborateurs. La volonté des quatre associés-fondateurs était d’associer des femmes, jeunes experts-comptables stagiaires pour participer au développement et à la croissance du cabinet.
Grâce à notre force de travail, l’association s’est imposée naturellement. Il est vrai qu’à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de femmes associées. C’était une position avant-gardiste, le cabinet était observé au niveau régional. à l’heure actuelle, nous avons une forte présence féminine au sein de l’équipe dirigeante. Cette parité se ressent aussi au niveau des équipes de management ; au final elle se retrouve à tous les niveaux du cabinet.
LPC : Est-ce un axe stratégique à conserver, à renforcer ?
V. Creusot Rivière : Femmes et hommes, nous ne fonctionnons pas de la même manière et c’est une richesse pour le cabinet d’avoir les deux. Le fait qu’il y ait une forte présente féminine dans le comité de direction est un véritable atout, qui permet d’avoir des échanges de points de vue enrichissants. Nous sommes très complémentaires, les réflexions et les prises de décisions ne sont pas effectuées de la même manière et cela donne lieu à de riches échanges.
Les exigences ne sont pas les mêmes, et cela représente un fort avantage stratégique. Pour autant, il ne faut pas généraliser, je n’aime pas forcément l’idée de forcer la parité, il faut laisser libre choix à chacun. Au sein du cabinet nous avons des associées femmes à temps partiel, c’est vrai qu’à une époque le fait d’être à temps partiel bloquait un peu pour accéder aux fonctions d’associés mais heureusement ce n’est plus le cas à présent.
LPC : Avez-vous rencontré certaines difficultés dans votre rôle de dirigeante et d’expert-comptable associée ?
V. Creusot Rivière : Il est vrai que lorsque j’ai débuté ma carrière, il m’a fallu plus de temps pour être légitime auprès de mes clients, notamment sur les dossiers importants du cabinet, l’habitude étant de voir des hommes à ces postes clés. De nos jours, les chefs d’entreprise sont encore majoritairement des hommes, mais ils apprécient également d’être piloté par des femmes, ils apprécient d’avoir un regard différent sur leur activité. J’ai eu la chance de travailler avec des associés hommes qui n’ont jamais fait de distinction homme-femme, ils nous ont accompagné, mis en avant, ont fait en sorte que nous soyons totalement intégrées dans ce métier aussi bien au sein du cabinet que dans les institutions, Ordre ou Compagnie. Il y a des secteurs d’activité où les femmes ont réellement eu des difficultés à s’imposer dans le top management, notamment dans des grands groupes ; pour autant, personnellement, je n’ai pas eu à faire face à ces situations.
LPC : Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes femmes experts-comptables ?
V. Creuzot Rivière : Je partage assez souvent mon expérience afin qu’elle puisse servir d’exemple à des femmes qui se poseraient des questions sur leur capacité à gérer à la fois vie professionnelle d’expert-comptable dirigeante, vie personnelle et vie au sein de la collectivité locale. Personnellement, j’ai repris la présidence de manière très naturelle en m’appuyant sur mon goût pour la représentation. C’est une fonction importante et pour autant j’ai pu tout à fait concilier ma vie professionnelle et ma vie personnelle ; c’est davantage une question d’organisation. Notre métier peut se pratiquer de manières tellement différentes, que la place des femmes à des postes de direction est tout à fait concevable, mon expérience en est la preuve.
Ecrit par LPC - 24 octobre 2018